Extraits du bulletin APVV N° 13 de décembre 2013....

La bataille des espèces de Champ-fêtu




Forêts de Theil

Si le village de Theil sur Vanne est tourné vers la vallée de la Vanne, il est par contre adossé à la forêt d’Othe qui culmine 100 mètres plus haut.
Près de 40% de la surface de la commune est, ainsi, couverte, aujourd’hui, par la forêt et notamment celle de Champ-fêtu.
Cette forêt a subi de grandes transformations dans les trois derniers siècles, depuis que l’homme y a entrepris son reboisement.
Les dégâts avaient, en effet été considérables. L’exploitation et la transformation du minerai de fers se sont développées en forêt d’Othe dès l’époque de la Tène c’est-à-dire avant l’arrivée de Jules César, et ce, jusqu’à la fin du Moyen-âge. L’utilisation de bas-fournaux nécessitait une grande consommation de bois qui a entamé la déforestation.

Au XVIIIème et au XIXème siècle nous avons les traces d’une exploitation agricole dans le renouvellement des baux de la métairie de Chamfêtu par l’abbaye de Dilo en 1750 et la levée des inscriptions hypothéquaires pesant sur la ferme de Champ fêtu en 1810 (archives de la famille Thomas de Pange). Cette agriculture s’est développée dans les clairières gagnées sur la forêt.

A Champ-fêtu, une tuilerie, attirée par l’argile du plateau, de bonne qualité, fut construite en 1761, à l’emplacement de l’actuelle propriété.
Les quelques mares et un puits (le puits des cosaques) qui suffisaient, jusqu’alors, pour alimenter en eau les hommes et les animaux, ne purent satisfaire les besoins de la tuilerie. Des mares et trous d’eau sont venus remplir les excavations exécutées lors de l’extraction de la terre argileuse nécessaire à la fabrication des tuiles.
Les coupes de bois dues à ces industries ainsi que celles nécessaires à la mise en culture avant le XVIIIème siècle ont ainsi décimé la forêt.
Champ-fêtu signifie un champ situé au faîte du plateau.
De champ il n’y en a plus aujourd’hui car le reboisement a commencé au début du XVIIIème siècle.

C’est en 1842 qu’Auguste Fliche, conservateur dans l’administration forestière, acquit le domaine de Champ-fêtu, constitué par un terrain forestier de 300 hectares, dans un vaste massif de près de 600 hectares


Cadastre Napoléonien (1835)


Le plateau calcaire

Depuis Henri IV la famille Fliche avait occupé différentes charges importantes dans la hiérarchie forestière royale. Ce sont donc des spécialistes de la forêt.
Son fils Paul, suivit la passion familiale et fut professeur à l’école forestière de Nancy. Dans un ouvrage « un reboisement, étude botanique et forestière » daté de 1888, il décrit avec une grande précision la façon dont le reboisement de Champ-fêtu a été, peu à peu, réalisé. La lutte des espèces entre elles tient une grande place dans cet ouvrage.

Le massif est constitué de craie, recouverte elle-même sur le plateau par une épaisseur de 10 mètres d’une terre argileuse et sableuse mais pauvre en chaux, tandis que les pentes sont constituées d’éboulis de craie trop riches en carbonate de chaux.

Au commencement du XIXème siècle la forêt, décimée par les cultures et l’industrie, ne représentait plus que le quart de la surface de Champ-fêtu soit 70 hectares environ.
Dans ces 70 hectares, seul le Buison-Cartault, de 4 hectares environ, aurait fait partie de la forêt qui couvrait primitivement le pays d’Othe.

Les autres surfaces boisées, en partie au moins, ont poussé, naturellement, sur des cultures abandonnées, et cela avant 1743.

L’arrivée des premiers arbres colonisateurs
Le reboisement, de la main de l’homme, a commencé entre 1743 et 1780 par la plantation de 13 parcelles réparties assez régulièrement sur Champ-fêtu. La forêt fut définitivement reconstituée par de nouvelles plantations dans les 30 premières années du XIXème siècle.


La forêt de Champ-fêtu


Pin noir d'Autriche


Par souci de diversification des espèces, le reboisement a été exécuté sur tous les sols, quelque-soit leur nature et leur composition chimique, par des plantations de bouleaux et de saules marceaux, alors que les espèces existantes étaient représentées, jusqu’alors, par des hêtres, des charmes et des chênes.

Ce fut un échec sur les terrains calcaires trop secs où demeurèrent des vides pouvant atteindre 5 ha.

Après de multiples tâtonnements on découvrit que les arbres les mieux adaptés à ces zones crayeuses, étaient les conifères et notamment le pin noir d’Autriche.

En revanche sur les terrains plus humides les bouleaux et saules marceaux se développèrent et le reboisement put être complété, souvent à titre d’ornement, par des pins maritimes, des érables sycomores, des chemins de châtaigners, de hêtres et de robinier faux-acacias.

Mais les espèces environnantes se rebellèrent...

Vous trouverez la suite de cet article dans le N°13 de notre parution "Au Courant de la Vanne"


Beaucoup d’arbres et d’arbustes étrangers à la région ont été introduits à Champ-fêtu. Aucune espèce ne s’y est maintenue naturellement. Ainsi la forêt se défend elle-même de toute évolution. C’est peut-être le patrimoine le mieux protégé de notre région.